Si vous êtes équipés d’intra-auriculaires et qu’il vous reste encore suffisamment d’audition, à au moins une de vos oreilles, de quoi assurer -à peu près- une conversation téléphonique, et que, malgré le fait que pour vous, le téléphone soit plus un instrument de torture qu’un outil de communication, je vous livrerai ici quelques conseils pour passer -malgré tout- une agréable soirée au comptoir d’un bar, entouré d’amis. Certains parlant fort et distinctement, et d’autres, ne parlant pas du tout ! (Ces derniers étant d’ailleurs tout aussi appréciables que les premiers).
Imaginons donc que vous soyez dans un bar avec vos amis, debout au comptoir, ou assis en équilibre sur un inconfortable tabouret.
Nous allons maintenant étudier le cas ou vous répondez à un appel. (Je vous préviens, vous l’aurez cherché !)
Vous voilà donc dans une situation d’urgence. Il va vous falloir très rapidement ôter votre appareil intra-auriculaire. Rapidement, mais délicatement. Vous prendrez soin de ne pas arracher sa languette d’extraction et éviterez qu’il ne tombe par terre. Ou pire, dans votre verre. Vous pourrez ensuite placer le téléphone bien collé à votre oreille, le volume à fond. Ôter l’appareil est un acte préalable, car tenter de répondre en le gardant déclenchera systématiquement un larsen. Dites vous bien que si ce sifflement ne vous dérange pas vous, il est pour votre interlocuteur -entendant-, à l’autre bout du fil, à peu près aussi agréable que le décollage d’un avion de ligne à proximité.
Dans votre précipitation à répondre (conscient de ne pas savoir combien de sonneries vous avez raté) vous enlevez donc votre appareil et le posez sur le comptoir.
Grossière erreur ! Car vous êtes à l’apéro, dans un bar « sympa », et le comptoir est rempli de délicieuses olives et de cacahouètes grillées et salées.
Avez vous pensé un instant que certaines personnes voient aussi bien que vous entendez ? (et oui, ça existe). Mais forcément, vous ne pensez pas à ça, car toutes vos capacités intellectuelles (enfin, celles qui vous restent) sont concentrées sur la conversation téléphonique que vous avez, envers et contre tout, décidé de tenir (tenir, oui. C’est le mot).
Imaginez donc qu’une de ces personnes soit aussi distraite que malvoyante (Ça existe aussi. Décidément, vous êtes verni ce soir !), et que, captivée par sa joyeuse et intéressante conversation de comptoir, elle se contente de tendre le bras en direction de la petite coupole de cacahouètes dans laquelle elle puise depuis quelques minutes, à intervalles réguliers. Comptant sur sa seule mémoire gestuelle pour ramener à sa bouche ces appréciables petits fruits secs, sans même se retourner pour vérifier visuellement la source de son approvisionnement.
Il est fort probable qu’avec cette somme d’inattentions, elle attrape votre intra-auriculaire posé là, juste à coté de la petite coupole.
Selon son degré d’implication dans la conversation et la qualité de son sens du toucher, elle devrait, normalement, se rendre compte, dès la saisie du fameux objet -encore à la température corporelle de son imprudent propriétaire- de la différence notable de taille et de structure d’avec une cacahouète.
Mais il n’est pas impossible, dans le cas ou notre chère personne n’en serait pas à son premier verre, qu’elle porte machinalement votre appareil auditif à sa bouche et commence à le croquer, fermement résolue à en finir avec cette « cacahouète » plus dure et plus grosse que les précédentes.
Vous constaterez, stupéfait, l’inhabituelle altération de ses sens. En premier lieu le toucher, mais aussi, et surtout… le goût.
Je peux même affirmer qu’après plusieurs verres, l’altération est totale, et pour tous les sens. Quelque soit le handicap de départ.
Je ne saurai donc mieux vous conseiller de ne jamais vous séparer de votre appareil dans une pareille situation. Et de ne surtout pas le poser sur le bar. Gardez le dans votre main ou votre poche toute la durée de la conversation et remettez-le sitôt la séance de torture terminée.
Euh, pardon. Je voulais dire « la séance de communication téléphonique » !